Maître Charles CHAMBENOIS

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Soumission chimique : des premières pistes intéressantes mais insuffisantes

Un fait divers récent (le patron d’un célèbre bar parisien accusé par une femme de l’avoir droguée à son insu) a de nouveau mis en lumière, après l’affaire Pélicot, les affaires de soumission chimique.

Publié le 03 juin 2025 – Temps de lecture : 6 min.

Un rapport parlementaire vient d’être rendu à ce sujet, formulant de nombreuses recommandations pour mieux les traiter, certaines intéressantes bien que timides et pas toujours très nouvelles, d’autres plus inutiles.

Il est par exemple salutaire que des campagnes de sensibilisation soient prévues auprès de l’ensemble de la population de même que des enseignements sur le thème plus large de la vie affective et sexuelle et l’égalité homme-femme au sein des établissements scolaires soient recommandés.

La formation de tous les acteurs (gérants de bars, professionnels de santé, magistrats, policiers, pompiers etc.) de la prise en charge et du traitement des victimes de soumission chimique, également proposée par le rapport, apparait ici essentielle. On peut toutefois regretter que celle prévue à destination des médecins soit faiblement contraignante et que son amplitude dépende surtout du « niveau que chaque médecin souhaite acquérir ».

La recommandation de la généralisation de l’expérimentation sur le remboursement des prélèvements biologiques sans dépôt de plainte préalable, introduite par la loi de finance de la sécurité sociale de cette année, apparait également comme une piste intéressante à condition qu’elle soit suivie d’effet.

Sans dépôt de plainte ces prélèvements sont en effet à la charge des victimes (sauf hypothétique remboursement par l’auteur en cas de condamnation ultérieure). Or celles-ci ne sont pas toutes prêtes à déposer plainte immédiatement alors que le recueil de la preuve doit s’opérer dans un temps très court : au-delà de quelques heures on ne trouve plus trace des substances toxicologiques dans le sang ni dans les urines. Un test capillaire peut être réalisé un mois après les faits mais il est également plus coûteux (un peu plus de 1000 euros).

La prise en charge par l’assurance-maladie permettrait ainsi de faciliter la collecte de cette preuve essentielle même si celle-ci aurait bien évidemment un coût pour la collectivité (pour permettre de l’évaluer, 1.229 signalements de soumission chimique et vulnérabilité chimique avaient été effectués en 2022). Encore faudra-t-il que les victimes aient accès à des laboratoires à même d’effectuer ces prélèvements dans un temps limité.

On comprend en revanche moins la création d’une circonstance aggravante pour les viols et agressions sexuelles lorsque la victime est en état de vulnérabilité chimique (« en état d’ivresse ou sous l’emprise de produits stupéfiants », c’est-à-dire quand elle a volontairement ingéré ces substances, contrairement à la soumission chimique qui est à son insu) si ce n’est qu’elle est malheureusement cohérente avec l’inflation législative en matière répressive.

La vulnérabilité chimique est déjà prise en compte en tant qu’élément de caractérisation de ces infractions, au titre de la « surprise » dans le consentement. Ainsi, une personne en état d’ivresse complète n’est pas en mesure de consentir à un rapport sexuel, celui-ci est donc considéré par les tribunaux comme effectué par surprise et donc qualifié de viol ou d’agression sexuelle.

Cette proposition ne vient donc pas réprimer un cas non prévu par les textes mais simplement l’aggraver en passant la peine maximale de 15 ans à 20 ans de réclusion criminelle pour les viols et de 5 ans à 7 ans pour les agressions sexuelles (avec les contorsions habituelles pour justifier qu’un même fait – l’ivresse ou la consommation de produits stupéfiants – puisse être à la fois un élément de caractérisation de l’infraction et sa circonstance aggravante).

Mais en quoi cela permettra-t-il d’aider les victimes ? Evidemment, cela ne coûte pas grand-chose à l’Etat et permet aux parlementaires de communiquer sur leur volonté de prendre à bras le corps le problème, mais cela ne changera fondamentalement rien à la commission de ces infractions. C’est malheureusement cette recommandation, de portée limitée, dont la mise en pratique ne fait que peu de doute dans un contexte de restriction budgétaire.